La viande, l’agriculture et la protection de l’environnement

Les conclusions du GIEC

On a beaucoup parlé ces derniers temps des conclusions apportées par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climent) et dans leur rapport le plus récent nommé Changements climatique et terres émergées ;

Dedans, le GIEC propose plusieurs façons de faire par rapport à la protection des sols et aux réglementations à mettre en place pour permettre une indépendance alimentaire.

Parmi les idées mises en avant, il y a la réduction des inégalités et la diminution du gachis alimentaire, mais également un changement de la composition des repas : il faudrait selon eux consommer davantage de produits issus des végétaux et moins venant des animaux.

Faisant feu de tout bois dans ce rapport, R.Dutrisac, dans son éditorial lance un appel à un changement environnemental de l’agriculture.A propos des gaz émis par les animaux d’élevage, il avance les chiffres suivants :  produire un kilo de viande de bœuf, produit trois fois plus de CO2 qu’un kilo de viande porcine, quatre fois plus qu’une volaille et trente fois plus qu’un kilo de blé.

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De l’avis de nombreux observateurs, la solution semble évidente : il faut faire la part belle aux viandes dont l’élevage produit moins de gaz à effet de serre (GES). Debra Roberts, coprésidente du Groupe de travail II du GIEC, explique ainsi qu’il faut préférer les « aliments d’origine animale produits de façon durable dans des systèmes à faibles émissions de gaz à effet de serre ».

 

Les défis posés au monde

Néanmoins, cette jonction entre « production durable » et production « à faible émission de gaz à effet de serre » pose deux défis malheureusement oubliés.

Le premier est à propos de la réduction de la dimension « durable » à la seule production de GES.

Faut-il le rappeler : la durabilité associe des angles d’analyse sociaux, environnementaux et économiques. L’indicateur concernant les émissions de GES est certes très important, mais il ne peut être l’unique pris en compte. En cherchant un peu dans les rapports qui concernent le bilan carbone de plusieurs secteurs ou produits, on trouve certains résultats qui peuvent sembler étonnants. Donc, le bilan carbone d’un porc élevé selon les normes de l’agriculture biologique est plus élevé d’environ 30% que celui d’un porc élevé de façon conventionnelle. Idem pour une volaille élevée à l’air libre en comparaison à une volaille qui grandit dans un élevage industriel. Cela vient principalement du fait que ce porc ou cette volaille prennent du poids plus lentement, se nourrissent donc plus en moyenne et sont abattus plus tardivement.

Cela ne veut pas dire bien sûr qu’il faut favoriser les bêtes issus des élevages intensifs, qui sont source de bien d’autres problèmes environnementaux. Cette constatation ne s’arrête pas aux produits de l’agriculture. Pour ceux qui aiment le bon pain, sachez que la boulangerie industrielle qui se concentre dans des unités de production spécialisées génère moins de GES au kilo de pain qu’un boulanger artisanal.

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En réalité, par le jeu des économies d’échelle, l’industrialisation et la concentration des activités économiques permettent systémiquement la diminution des émissions de GES, ce qui peut aller à l’encontre d’autres désirs des politiques ou de l’électorat, en particulier ceux liés à l’organisation d’une économie diversifiée et répartie avec égalité et harmonie sur tout le territoire.

 

Quels indicateurs choisir ?

Le second problème concerne les viandes labélisées comme émettant moins de gaz à effet de serre (GES). Pour aller vite, disons que porcs et volailles affichent de ce point de vue des bilans carbone bien plus positifs que tous les herbivores, comme les vaches ou les moutons. Cela vient pour l’essentiel du méthane généré par ces animaux pendant leur digestion.

Malheureusement, cette désignation par les espèces cache les vraies différences qui existent entre les systèmes d’élevage. Porcs et volailles sont nourris avec des plats composés de céréales (comme le blé ou le maïs) et d’oléo protéagineux (comme le soja ou le pois). Tous ces produits sont cultivés sur des terres arables et pourraient être consommés directement par les humains. Les herbivores, lorsqu’ils sont élevés selon leur physiologie, consomment de l’herbe. Dans de nombreux endroits sur la planète, cette herbe pousse sur des terres peu fertiles ou trop pentues (dans le cas des montagnes), qui ne sauraient être labourées pour produire d’autre chose.

À ce titre, il n’y a pas de solution simple qui voudrait que, si chaque terrien consomme moins de viande, cela va libérer des surfaces pour cultiver des céréales, des légumineuses ou des fruits. Par ailleurs, le bilan écologique global des surfaces de prairie naturelle, en matière de durabilité des sols, d’utilisation d’engrais, de pesticides, ou encore de biodiversité, est bien meilleur que la production intensive de maïs ou de soja, quand bien même ce maïs et ce soja viennent nourrir des poulets dont l’empreinte carbone est plus faible.

L’indicateur des émissions de GES, pris isolément, présente donc les mêmes inconvénients que tout indicateur unique. De la même façon que le PIB reflète mal la complexité du développement socioéconomique, le bilan carbone ne peut être à lui seul une boussole de nos actions. L’indispensable transition agroécologique ne passera pas par la substitution des élevages d’herbivores par la culture de légumes, mais par un inventaire critique et transversal des systèmes de production en vigueur et par la valorisation de systèmes agricoles diversifiés.